Nos anciens - Luc Petit: créateur de spectacles

- Jérôme Coupé

Luc Petit

Dans le cadre de notre série d’interviews avec les anciens de l’IAD, nous faisons la connaissance de Luc Petit, option réalisation, promotion 1986 et aujourd’hui directeur artistique internationalement reconnu et metteur en scène de spectacles.

Question traditionnelle pour commencer. Quelle a été ta formation à l’IAD et ton parcours d’étudiant en général ?

A l’IAD, j’ai obtenu un diplôme en réalisation. Pour moi, ces quatre années de formation ont surtout été un moyen de découvrir beaucoup de choses, de m’ouvrir à de nombreuses disciplines et de faire énormément de rencontres.

J’ai eu des professeurs qui partaient parfois un peu dans tous les sens mais qui étaient passionnés et qui voulaient ouvrir nos horizons, décloisonner les choses. Je me souviens par exemple d’Henri van Lier qui nous parlait de philosophie mais aussi de peinture.

Il nous avait un jour demandé si nous nous étions penchés sur la série Dallas qui cartonnait à l’époque. A priori, nous étions plutôt branchés cinéma mais je me souviens très bien qu’il nous avait dit : “Si vous ne vous intéressez pas à cela, vous ratez quelque chose. Pour avoir un tel succès populaire partout dans le monde, il faut avoir touché des choses importantes au niveau du scénario, de l’écriture, des personnages”. Il avait raison.

Pendant mes années à l’IAD, je travaillais chez Notélé à Tournai, une chaîne de télévision locale assez innovante. Je m’intéressais beaucoup au théâtre, à la publicité, à la musique, j’avais des copains à l’INSAS, je ramenais des vieux décors ou j’en construisait à l’IAD pour mes tournages, je mélangeais pas mal de choses qui provenaient de différents horizons. Je crois que mes professeurs étaient souvent surpris, parfois pas d’accord avec moi, mais ils sont toujours restés ouverts, ne m’ont jamais rien interdit. J’ai pu continuer à me battre pour faire et dire ce que je voulais.

Je crois que j’en ai gardé un profond rejet des étiquettes, des cases ou des moules dans lesquels il faudrait rentrer, ainsi qu’un profond amour du populaire, du contact avec les gens, hors des silos et de l’entre-soi qui caractérisent parfois le monde artistique.

Aujourd’hui et depuis pas mal de temps déjà, tu conçois des spectacles de renommée internationale qui mélangent du cirque, du vidéo mapping, de la danse, de la magie, de l’image, etc..

J’ai toujours voulu créer des spectacles, des expériences. Je crois que ce que j’ai réussi, c’est d’amener dans le monde du spectacle vivant des méthodes de travail, des techniques et des processus de production et de création qui viennent du monde du cinéma, de la gestion de plateau. En tant que réalisateur, j’ai appris à faire des storyboards, à gérer des équipes, des tournages compliqués, etc.. Tout cela me sert tous les jours.

Pour concevoir, mettre en scène et réaliser des spectacles tels que La Disney Cinema Parade, Décrocher la Lune, Peter Pan ainsi qu’une centaine d’autres à travers le monde, tout doit être géré au millimètre. Le travail de préparation est intense. On ne peut pas se permettre de répéter pendant des semaines ou des mois. C’est aussi du live, pas question de “refaire une prise”. Dans ce contexte, la gestion en amont est d’une importance capitale. Tout doit être conçu et documenté dans un storyboard pour percevoir à l’avance ce qui va marcher ou pas et pour pouvoir diriger tout le monde une fois sur place. Là aussi, avoir une expérience en montage, une sensibilité au rythme et aux synergies entre image et musique, cela m’aide énormément.

Décrocher la lune - Photo: Caprariello L.

Décrocher la lune - Photo: Caprariello L.

Artistiquement, pour plonger les gens au cœur d’un spectacle, pour réaliser une expérience totale, il faut arriver à créer une ambiance qui, bien qu’elle mélange différentes techniques et formes artistiques, est finalement très cinématographique. On cherche à transporter les gens ailleurs, à peindre de grandes fresques avec les différents pinceaux à notre disposition.

Il faut aussi avoir une bonne connaissance de tous ces milieux différents. Dans la même matinée, il faut pouvoir communiquer efficacement avec des artificiers, des responsables d’effets spéciaux cinéma, des trapézistes, des cascadeurs, des magiciens, des machinistes, des ingénieurs du son, etc.. Dans ces circonstances, ne pas aimer les silos et mettre les choses ou les gens dans des cases préconstruites, cela aide !

Peter Pan. Photo: Luc Petit Création

Peter Pan. Photo: Luc Petit Création

Pour terminer, est-ce que tu as un conseil pour les jeunes générations ? Si le Luc Petit d’aujourd’hui s’adressait au Luc Petit des années à l’IAD, que lui dirait-il ?

D’avoir une ligne de conduite claire et d’être ouvert aux rencontres, aux imprévus. De rester curieux pour pouvoir profiter des accidents de la vie, des opportunités qui peuvent se présenter, sans avoir trop d’a priori. C’est bien de vouloir faire des films et de gagner des prix à Cannes … mais il y a peut-être d’autres choses à découvrir et dans lesquelles se réaliser.

Personnellement, je crois beaucoup en la fidélité. Comme metteur en scène, c’est important de garder une certaine distance, une vue d’ensemble, mais il faut aussi être aux côtés de ses équipes, mettre la main à la pâte et respecter les savoir-faire et les expertises de chacun.

Enfin, je crois que ce qui compte le plus à mes yeux, c’est le succès auprès du public. Pour moi, la création artistique doit viser un succès populaire, un contact avec les gens, avec la société. Quand une petite fille me dit à la fin d’un spectacle “C’est le plus beau jour de ma vie”, je sais pourquoi je travaille